Il faut le lire pour le croire : dans La Raison, magazine de la Libre Pensée, numéro de juin 2008, Robert de Falco présente son église freudienne, comme "
science de l'individuel". Regardez vous-mêmes :
On pourrait remplacer par "
justification de l'individualisme", ce serait nettement moins faux. En ce sens que celui qui est entré en psychanalyse parce qu'il trompait sa femme, persiste à tromper sa femme, mais
Victoire !, cela ne le culpabilise plus.
Richard Monvoisin commente ainsi :
Qui veut noyer son contradicteur l'accuse de la rage. Ou d'antisémitisme. Ou de sarkozysme. Ou de suppôt des industries des anxiolytiques.
Tout critique de la psychanalyse aura rencontré l'une de ces accusations ad hominem à laquelle nous habituent les prestations publiques de Roland Gori ou les articles [1] d'Elisabeth Roudinesco dans les pages de Le Monde. Cette fois, c'est dès la première colonne qu'on apprend que "dès sa naissance, la psychanalyse a été insupportable et mise au pilori d'une pensée chloroformée et bien abritée dans sa bonne conscience chrétienne. Ah, ok. On prend note.
Mais le plus inquiétant est à venir : citant les oeuvres de ladite E. Roudinesco [2], R. de Falco nous assure que "le succès de la psychanalyse dans le monde et son internationalisme est issu de la combinaison de l'exigence d'un savoir scientifique rigoureux et d'une judéité ayant rompu avec la religion.". Le comité de lecture de la Libre Pensée devrait s'assurer un peu des faits : le succès de la psychanalyse est (était) social, et non pas dû à son efficacité thérapeutique, plutôt surévaluée. Son internationalisme est assez réduit, en particulier à la France et à l'Argentine. Et encore : en France, par exemple il suffit de sortir de l'emprise de la sociologie de l'imaginaire et de la psychologie freudienne dans lesquelles la faculté de Grenoble est fortement engoncée et d'aller sur Chambéry pour voir que la psychanalyse commence à faire sourire les chercheurs, même en public. Quant à l'"exigence d'un savoir scientifique rigoureux", je présume que Robert de Falco tient cette ânerie plus du recopiage que de la lecture des faits à l'appui de la théorie (qui sont largement discutables et discutés, depuis quelques années - Borch-Jakobsen, Benesteau, Van Rillaer, etc...).
Enfin le clou : la Freudelite. J'en avais parlé dans ma thèse, lorsque je voulais dénoncer le recours systématique aux images d'Einstein, Copernic et autres Galilée comme arguments d'autorité dans un texte ou une scénarisation de vulgarisation. Freud était l'un de ces incontournables, notamment dans le scénario des "3 révolutions" qu'affectionnent particulièrement les mauvais journalistes de Sciences & Avenir : celle de Copernic, celle de Darwin et celle de Freud. Tandis que les bouleversements conceptuels chez Copernic et chez Darwin sont largement étayés par les faits, la "révolution" freudienne laisse quant à elle un goût de moisi réchauffé. Moisi parce que les faits ont été assez maltraités par Freud lui-même ; réchauffé parce que ce qui fait la spécificité théorique de Freud n'est semble-t-il pas de lui.
Que les précaires de la presse de vulgarisation obligés de ressasser les Baignoires d'Archimède et autres poncifs populistes de la science pour pouvoir payer leur loyer soient pardonnés de faire référence à la pseudo "révolution copernicienne" de Freud. Mais la voir poindre dans les pages de La Raison
me consterne. Ne serait-ce que parce qu'elle minimise Copernic et Darwin.
Last, but not least. Il y a peu, sur Grenoble, nous étions quelques-un-es à réfléchir sur une Faculté alternative, avec des contenus sortant des clous. Depuis l'économie critique jusqu'aux gender studies, depuis la zététique jusqu'à l'auto-défense intellectuelle et la critique des média. Un prof de fac assez en vue a déclaré sur un ton messianique : "De toute façon, il est impossible d'envisager la révolution sociale sans Marx et Freud". Je me mis à remuer sur ma chaise, bien sûr, et j'émis un murmure que Marx, ok, pourquoi pas, ça se tient, mais que Freud, enfin voyons, quand même... Et là, j'ai eu droit à tous les clichés des gens atteints de Freudelite ! Hormis l'antisémitisme, j'ai eu droit à tout, depuis l'amoralisme jusqu'au capitalisme, et tel un mauvais moine shaolin, j'ai tenté de parer les coups - ce qui m'était d'autant plus facile que je suis anti-capitaliste. Mais franchement, comment en vouloir à cet homme lorsque, même dans une lecture aussi saine que le magazine La Raison, un article qui s'intitule Antidogmatique se termine par : "L'état actuel de la psychologie, le visage néolibéraliste du capitalisme ambiant et le réveil des obscurantistes devraient nous inciter, à revisiter l'oeuvre de Freud, mais aussi celle de Marx et Darwin !".
Revisiter l'oeuvre de Freud, oui, c'est peut être le mot, finalement.
Mon propre commentaire :
A Lyon 2 aussi, et pas seulement à Grenoble, le département de psychologie clinique est détenu par une clique de freudiens. Ou du moins l'était il y a encore trois ans, quand j'y étais étudiant.
J'ai juste du mal à dire de leur culte de la passivité et de l'irresponsabilité à la freudienne, qu'ils ont tenté de nous inculquer. On n'a pas besoin de pleutres de plus. On n'en manque pas... Pour travailler avec des familles, il faut justement oser mouiller sa chemise, car on a affaire à de rudes joueurs, très probablement bien plus forts que vous.
J'ai un peu moins de mal à dire de leur culte du jargon. Le jargon freudien est atrocement mal foutu, fait exprès pour être obscur, et pour souligner façon chébran, les frontières entre l'intérieur de la secte, les initiés-qui-savent, et l'extérieur, ces profanes-qui-ne-savent-pas.
Dans le jargon de l'Affreux Do, "castration" ne signifie justement pas castration, mais juste désillusion, perception qu'on ne peut pas tout, et qu'on n'est pas les deux sexes à la fois.
"Phallus" ne signifie justement pas phallus, mais épanouissment, voire turgescence, étalement social qui étouffe les autres...
Etc. etc.
L'abus du jargon amphigourique, tel que je l'ai constaté dans cette fac, répond à une stratégie de classe : être certains qu'on reste entre membres de la même bourgeoisie baratineuse.
Vivement une association des Psychologues SANS frontières de classe, et leurs compléments indispensables à un code de déontologie de 1996, qui reste bien peureux, bien tolérant à des dérives internes à la profession !
Second commentaire, centré sur le message de Robert de Falco.
Il n'en a rien à foutre des objectifs de santé mentale d'une psychothérapie, mais rien ! Pas un mot de santé mentale, ni de ses critères. Pas un mot des responsabilités de chacun envers ses proches et collègues de travail. Pas un mot des obligations de santé mentale qu'on contracte quand on fonde une famille. Pas un mot des loyautés bidirectionnelles dues, dans une famille d'abord, dans un voisinage ou une communauté villageoise ou civique ensuite. La totalité de ce qui constitue les bases morales de la psychothérapie, de Falco n'en a vraiment rien à cirer.
La seule chose qui l'intéresse, est de brosser à reluire sa secte, qu'il considère comme assiégée et dénigrée par les incroyants.
C'est à cet égocentrisme, à cette obsession de son image chez les autres, et aux moyens manipulatoires et despotiques qu'il se permet, que l'on décèle le charlatan. Le charlatan ne s'intéresse vraiment qu'à lui. Les autres ne sont pour lui que du gibier de manipulation mentale. De Falco ne s'intéresse qu'à remettre sa secte en position d'hégémonie, position largement abusive au cours des précédentes décennies, position parfaitement stérile.
Oui bien sûr, on pourrait exhiber de fortes personnalités qui pourraient sauver l'honneur de la secte. Prenons Paul-Claude Racamier par exemple, qui n'a jamais fait de communiqué de rupture fracassant. Non, il s'est contenté d'innover à partir de son travail avec des schizophrènes et leurs familles, sans se soucier si cela descendait bien du Prophète en lignée légitime. A Racamier, on doit la notion de pervers narcissique, d'incestualité, et le plus gros des innovations théoriques permettant de penser le pervers et ses systèmes d'emprise.
Maurice Hurni et Giovanna Stoll ne cachent rien de ce qu'ils doivent à Racamier. Or ce que Van Rillaer, ou Borch-Jakobsen, ou Maurice Maschino, ou avant eux Harold Searles et Jay Haley ont pointé, c'est que la majorité des prêtres de l'Eglise freudienne, utilisent des ruses de pervers, pour voler son authenticité à leur client, et lui substituer ce qui les arrange, eux.
Références :
Harold F. Searles : "The effort to drive the other person crazy". Traduction chez NRF-Gallimard : "L'effort pour rendre l'autre fou".
Jay Haley : "Tacticiens du pouvoir : Jésus-Christ, le psychanalyste, le schizophrène et quelques autres". ESF éditeur.
http://www.zetetique.info/archives/00000122.html