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Jacques

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Un article de klrbos.
* le: 10 juin 2020, 11:42:01 *
Klrbos a signé un article sur agoravox : Non, ce n’est pas un choix de vie.
Je trouve que ce témoignage complète utilement les fils
Certaines familles ont pour but d'avarier et de rendre infirmes... et   
La dépression majeure, un objectif de tortionnaires raffinés...

Il serait simple de copier-coller son texte et de le réputer sous ma signature. Mais ici c'est un forum et pas un blog. Je tiens à ce que l'auteure conserve la possibilité de modifier son texte sans se référer au ouebmestre - qui après tout peut mourir.
Je crée donc son identité ici sous son pseudo de là bas. La difficulté est que j'ignore son adresse courriel, et qu'elle ignore quel mot de passe provisoire je lui ai créé. Elle doit me le demander à l'adresse admin at caton-censeur.org.

klrbos

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Non, ce n’est pas un choix de vie
* Réponse #1 le: 10 juin 2020, 11:50:36 *
Cela fait quelques temps que j’ai envie d’écrire à ce sujet. Atteinte d'anorexie mentale depuis presque 15 ans, j'entends tout et son contraire à son sujet. Anorexie mentale, anorexie tout court, anorexie vomitive, anorexie restrictive, etc. Pour la plupart des gens, ces termes sont flous, synonymes, voire totalement inconnus.

Concernant l’anorexie mentale (AM) restrictive, dont je vais parler ici, beaucoup l'associent à une simple perte d’appétit. Il n’est est rien. L’AM est belle et bien une privation. Le/la malade a faim, mais la restriction est plus forte. C’est une privation addictive, qui conduit à une perte de poids addictive et à une phobie de la reprise de poids. Certain(e)s vous diront même que le terme de “phobie “ est faible, tant vivre dans un corps qui grossit ou qui ne maigrit pas, est inenvisageable.

J'en profite aussi pour clarifier un malentendu, à savoir que les personnes engluées dans l’AM ne se privent pas pour ressembler aux mannequins. Le déclenchement de la maladie est bien plus complexe, et multifactoriel.

Pour illustrer mon propos, je prendrai une image  : celle d’un pistolet. Lorsque vous appuyez sur la détente alors que le barillet est vide, il ne se passe rien. Si le barillet est chargé mais que vous n’appuyez pas sur la détente, il ne se passe rien non plus. En revanche, si vous appuyez sur la détente et que le barillet est chargé, le coup part. La maladie est liée à une multitude de causes et à un évènement particulier qui peut, alors, faire office de déclencheur.

Mais ce qui m’intéresse, ici c’est surtout le ressenti de cette maladie, car bien souvent, celle-ci est résumée à une problématique nutritionnelle.

Je précise ici, qu’il s’agit d’un ressenti personnel, chacun(e) vivant la maladie à sa manière.

Pour ma part, je ressens cette maladie comme tout à fait irrationnelle. Je sais que je ne suis pas grosse, que je ne mange pas assez, que je suis malade, que mon comportement est déviant, je sais tout ça, intellectuellement.

Mais il y a un gouffre entre ce que je sais, et ce que je ressens.

En ce qui me concerne, l’AM c’est être piégée dans un corps que je ne souhaite pas, et qui m’oppresse, mais auquel je ne peux survivre. C’est vivre de véritables euphories lors des phases de perte de poids, et un anéantissement profond lors des phases de reprises. C’est un sentiment de liberté et de légèreté infinies, en période de jeûne, lorsque mon corps s’estompe. C’est ressentir mon corps de manière démesurée, n’ayant plus besoin de me peser pour connaître mon poids.

Au-delà de l’aspect purement nutritionnel, c’est vivre dans le froid, un froid qui vient des entrailles, et qui s’infiltre dans chaque membre. Ce sont aussi les douleurs musculaires, les crampes, les œdèmes, les indigestions, les hypoglycémies, les hormones perturbées, les suées, les migraines, les chutes de tension, les insomnies, etc.

Mais surtout, vivre l’AM, c’est vivre dans une anxiété permanente. Cette anxiété qui me pousse à marcher entre 15 et 20km dans la journée, ou à multiplier les activités pour ne pas ressentir le vide m’envahir. Ce sont des obsessions, et particulièrement celle du temps. Tout est minuté, cadré, séquencé, la spontanéité anxiogène. C’est vivre une hyperactivité intellectuelle handicapante, de celles qui ne me permettent plus de mémoriser, de me concentrer sur une tâche, ou d'être absorbée par une activité.

Enfin, mais pas des moindres, c’est vivre isolée, le repas étant le principal lien social de nos sociétés, et l’épuisement chronique ne favorisant pas les sorties. C’est être en permanence infantilisée, scrutée. C’est susciter tantôt la peur, tantôt le dégoût, la maigreur renvoyant à la morbidité et la rigidité.

Pour toutes ces raisons, l’AM ne se résume pas à une assiette ou un caprice. Ce n’est pas, soyons-en sûrs, un choix de vie.