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Jacques

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Le non-accès à la résipiscence, une question centrale.
* le: 23 décembre 2006, 10:22:23 *
* Modifié: 29 janvier 2008, 06:36:22 par Jacques *
Résipiscence ? Pourquoi donc faut-il ouvrir les Mémoires de guerre de Charles de Gaulle, pour découvrir l'existence de ce vieux mot, le seul qui soit parfaitement exact et adapté ?

"Ils se fermèrent à eux-mêmes la voie de la résipiscence"

Au printemps 1934, Charles de Gaulle faisait paraître « Vers l'armée de métier ». Il faudrait une sacrée dose de mauvaise foi pour me taxer de gaullisme. Toutefois, depuis les neuf ans (dix ans maintenant) que j'ai acheté les Mémoires de guerre chez un bouquiniste de Montélimar, le paragraphe qui suit, extrait de la page 21, me reste dans la tête, et me contraint à réfléchir :

    Citation :
Citation de: Charles de Gaulle
"    ...
    Cependant, les organismes officiels et leurs soutiens officieux, plutôt que de reconnaître d'évidentes nécessités et d'accepter le changement, quitte à en aménager la formule et les modalités, s'accrochèrent au système en vigueur. Malheureusement, ils le firent d'une manière si catégorique qu'ils se fermèrent à eux-mêmes la voie de la résipiscence. Pour combattre la conception de l'armée mécanique, ils s'appliquèrent à la défigurer. Pour contredire l'évolution technique, ils s'employèrent à la contester. Pour résister aux événements, ils affectèrent de les ignorer. Je vérifiai, à cette occasion, que la confrontation des idées, dès lors qu'elle met en cause les errements accoutumés et les hommes en place, revêt le tour intransigeant des querelles théologiques.

    Le général Debeney, glorieux commandant d'armée de la grande guerre, qui, en 1927, en sa qualité de Chef d'état-major général, avait élaboré les lois d'organisation militaire, condamnait formellement le projet. Dans la Revue des Deux Mondes, il exposait avec autorité que tout conflit européen serait tranché, en définitive, sur notre frontière du nord-est que le problème consistait à tenir solidement celle-ci. Il ne voyait donc rien à changer aux lois, ni à la pratique,
    ... Le général Weygand ...
    Le maréchal Pétain
... "



Soit le gratin du commandement militaire de l'époque.

Ecrivain exigeant avec lui-même, Charles de Gaulle avait le don de ramener sur le devant de la scène des mots rares, parfois désuets, tous parfaitement justes (à la « chienlit » près... et le « Volapück » non plus, n'était pas des plus heureux), et qui obligeaient le gros des français à ouvrir un dictionnaire pour déchiffrer chaque discours télévisé du général. Nous voici donc avec « résipiscence » dans la mâchoire. A nous de le digérer, car c'est justement un concept-clé pour notre action. O.W. Wilson lorsqu'il reprit en main la police de Chicago en 1960 fut bien contraint de ne sanctionner qu'une minorité de policiers, les irrécupérables, et amener à la compétence et à la résipiscence le plus grand nombre. Nous sommes devant la même contrainte stratégique.

Celui qui a le mieux compris cette contrainte, fut Gandhi. Et les résultats obtenus par ceux qui l'ont compris, j'ai nommé le pasteur Martin Luther King et l'avocat Nelson Mandela, sont parmi les résultats les plus remarquables du 20e siècle. Nous devons obtenir la prise de conscience de leurs erreurs et leur amendement, soit la résipiscence, du plus grand nombre, c'est indispensable pour isoler les brebis les plus galeuses. Tel doit être le guide de notre action au long des années qu'il y faudra.

C'est quand même un sacré phénomène, que cette question centrale de la résipiscence, et du non-accès à la résipiscence, ainsi exprimée par Charles de Gaulle, soit un concept informulé et inexprimé par le restant du monde. Alors que c'est est un concept central dans l'évaluation de bien des gens pour tel poste, pour telle tâche, pour telle responsabilité.

C'est le non-accès à la résipiscence qui fait de la vanité la voie royale vers l'imposture (vanité plus incompétence inavouée suffisent), puis de l'imposture vers la paranoïa, de peur d'être démasqué(e). Feu Donald Winnicott nous rappellerait que ce non-accès à la résipiscence est une aggravation directe, une conséquence directe du non-accès durable à la position de désillusion de soi-même. Ce qu'il appelait, de façon malheureuse et trompeuse, la "position dépressive".

Les pervers, qu'ils soient narcissiques ou histrioniques, ou en intergrade, sont tous sans accès à la résipiscence, tous enfermés dans leur escalade vers toujours plus d'imposture et d'abus de son prochain, pour mieux le contrôler.

Alors qu'en culture fémino-féminine, toujours essentialiste et nominaliste, les pervers narcissiques sont des entités en soi (voir par exemple la discussion commencée à http://forum.doctissimo.fr/psychologie/couples-relations/Femmes-perverses-manipulatrices-sujet-171420-1.htm et se poursuivant jusque http://forum.doctissimo.fr/psychologie/couples-relations/Femmes-perverses-manipulatrices-sujet-171420-59.htm au moins), l'étude du non-accès à la résipiscence nous permet d'étudier l'évolution vers la perversité comme un processus, dont la dialectique nous est désormais accessible et pensable.

Jacques

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Le pouvoir de reculer et de présenter des excuses, pouvoir méconnu...
* Réponse #1 le: 02 août 2007, 09:50:16 *
* Modifié: 05 mars 2010, 12:17:52 par Jacques *
Le pouvoir de reculer et de présenter des excuses, est un pouvoir fort méconnu...

J'ai eu beaucoup d'admiration envers cet éléphant, filmé dans le Serenguetti, qui face à un rhinocéros buté, corne baissée, recule doucement, puis s'écarte. J'ai admiré de même l'archévêque de Lyon, Decourtray, quand il reconnut la faute partagée par plusieurs ecclésiastiques, d'avoir caché le milicien Paul Touvier dans leurs couvents, et l'avoir soustrait à la justice pendant tant d'années. Voilà un éléphant et un archévêque qui avaient quelque profondeur dans leurs interactions sociales...

Mon père avait eu ce pouvoir, le pouvoir de me présenter ses excuses par écrit, et il en a usé, en 1968. Notre mère n'a jamais eu ce pouvoir de reculer et de s'excuser. Elle n'avait aucune profondeur, toute entière dans sa façade, dans son escalade d'agressions et de dénis de réalité.

La suite a prouvé que si notre père avait bien eu ce pouvoir de reculer et de s'excuser après agressions jalouses, là s'est borné son pouvoir.
Quand par la suite, par faiblesse envers sa seconde épouse, il s'est laissé dépouiller et nous a fait dépouiller par elle, là il n'a plus jamais été capable de reconnaître son errement, ni n'a plus rien fait pour tenter d'en réparer les conséquences.
Là, il est demeuré jusqu'à sa mort dans son déni de réalité, si bien exploité par Saddam Zussom.

L'escalade symétrique est bien connue des analystes des interactions humaines. Elle était déjà expliquée en détail pour le grand public dans le petit volume de P. Watzlawick, J. Helmick Beavin et Don D. Jackson : Pragmatics of Human Communication. A Study of Interactional patterns, Pathologies, and Paradoxes. 1967 W.W. Norton & Compagny, inc. New York. Traduction française au Seuil en 1972 : Une logique de la communication.

Evidemment que les couples qui vivent en escalade symétrique vont très mal...
C'est vrai aussi des conflits d'entreprise, et des conflits d'équipe. Les escaladeurs compulsifs manquent de profondeur stratégique dans leur personnalité, toute contradiction externe les mobilise vers la guerre immédiate sur leurs frontières, imaginairement menacées. Faire la guerre à son prochain est leur seule façon de gérer leurs propres torts, leurs propres faiblesses et noyaux psychotiques.


L'épisode malheureux du Bathybius haeckelii, permit au biologiste Thomas Huxley, de faire la preuve que l'humour vient volontiers au secours de la démarche scientifique.
Citation
Bathybius

(definition) by Webster 1913 (print)            Tue Dec 21 1999 at 22:03:57

Bathybius (?), n. [NL., fr. Gr. deep + life] Zool.

A name given by Prof. Huxley to a gelatinous substance found in mud dredged from the Atlantic and preserved in alcohol. He supposed that it was free living protoplasm, covering a large part of the ocean bed. It is now known that the substance is of chemical, not of organic origin.


  
Citation
Thomas Henry Huxley, a famous defender of Darwin's theory, supposed that life had formed originally in a cellular fluid called "protoplasm", similar to to the Urschleim (original slime, in German) proposed by Ernst Haeckel. Eventually Huxley reanalyzed some samples of the Atlantic floor, and saw what he thought that could be evidence of something similar to this "protoplasm", and named it Bathybius haeckelii, in honor to Haeckel. While Haeckel believed, among other such as Peregrin Casanova, that Bathybius corresponded exactly to his theory, Huxley supposed that it was just an organic substance that covered all the oceanic floor. During the Challenger expedition, more samples from oceanic floor were collected. The samples shown no sign of the presence of Bathybius at the collecting time, but seemed to grow in the containers on the way to England, where it was bring to analyses.

En colloque, un autre biologiste invoque le Bathybius en renfort d'une théorie évolutioniste encore incertaine de ses preuves, alors qu'un chimiste embarqué avait déjà fait la preuve que le présumé protoplasme n'était qu'un précipité de sulfate de calcium, dû à la décompression de l'échantillon d'eau profonde. Les regards se portent alors sur Huxley, qui se lève et déclare :
"Bathybius, je l'aimais bien. Je l'ai même porté sur les fonts baptismaux. Mais que voulez-vous ? Il arrive que même les meilleurs amis vous lâchent !".

Pas d'escalade symétrique et narcissique chez Huxley, une retraite en bon ordre vers une position plus sûre.


A contrario, il est à rappeler comment menace un corrupteur maffieux, ou l'officier traitant d'un espion, qu'il a recruté et compromis : "Oh ! Mais n'oublie pas que tu ne peux plus reculer ! Tu as déjà commis pour nous des actes criminels qui vont te valoir la prison si des preuves parviennent à la justice de ton pays ! Alors tu dois continuer de nous servir, sinon !". Et comment le corrupteur choisit-il sa proie, son instrument à corrompre ? Il sélectionne justement celui qui n'aura jamais la force de la résipiscence, qui n'a aucune profondeur ni morale ni stratégique, qui est entièrement dépendant de sa façade, de ses dettes de jeu, de son train de vie au dessus de ses moyens réels...


La question de la résipiscence est donc l'articulation maîtresse entre l'esprit scientifique, le management de la recherche, le management et l'art de diriger très généralement, et la santé mentale.
Pour élever des enfants, on se trompe, on se trompe constamment. Mais corrige-t-on ses erreurs et leurs conséquences ?

En droit français, l'appareil judiciaire est automatiquement exempté de toute correction, de toute résipiscence, blindé par l'autorité de la chose hâtivement jugée. D'une part, cela fait qu'il attire justement des personnalités assez pathologiques, au narcissisme rigide et ombrageux, voire franchement sadiques. D'autre part, cela le disqualifie radicalement pour qu'il joue sa part dans l'équipe d'une psychothérapie sous mandat, rendu incapable d'explorer par essais et erreurs corrigibles.


A suivre. Rédaction encore en cours.

Jacques

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Re : Le non-accès à la résipiscence, une question centrale.
* Réponse #2 le: 29 janvier 2008, 11:38:39 *
Privilège d'appréciation souveraine, et protection des fautes  : http://debats.caton-censeur.org/index.php?option=com_content&task=view&id=77&Itemid=59

Jacques

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Un peu plus sur Orlando Winfield Wilson, superintendant de police à Chicago.
* Réponse #3 le: 13 juin 2008, 11:29:45 *
* Modifié: 03 août 2015, 12:28:22 par Jacques *
http://www.paternet.net/salon/forum/viewtopic.php?t=1065
Citation
Sous-Chapitre 8.2 : L'effet simplificateur des modifications d'ordre supérieur.
. . . . .
Exemple: 0. W. Wilson, superintendant de la police de Chicago depuis 1960 (et comme McNamara ancien professeur d'université) prit son poste après un important scandale dans la police : une patrouille avait fait le guet pour le compte de criminels et transporté des marchandises volées dans des voitures de police. Il trouva des moyens criblés de corruption, ballottés par les influences et les protections politiques et dépourvus des plus élémentaires rudiments d'un fonctionnement efficace. Il y avait fréquemment de véritables barrières le long des frontières d'un arrondissement politique, et son chef y dictait sa justice ; certains policiers devaient acheter eux-mêmes leur papier carbone pour rédiger leurs rapports.
Comme McNamara, dans la réorganisation des moyens, Wilson prit ses distances pour travailler et obtint ainsi la direction effective. Sans doute s'adressa-t-il occasionnellement à la presse pour gagner la confiance du public dans ses activités, mais il évitait en général les contacts avec le public et les personnalités politiques se bornant à poser des questions à ses forces.
Il s'aperçut, par exemple, qu'il n'existait aucune méthode de compte rendu organisé pour évaluer les résultats des officiers et des policiers. Les comptes-rendus de crimes étaient fréquemment perdus ou non enregistrés, et rarement exploitables quand ils existaient. De plus, il n'y avait pas d'ordre de priorité : les réceptions tapageuses étaient traitées avec autant d'attention que les meurtres en cours d'exécution.
Wilson définit son système en créant les rapports et les communications nécessaires pour fournir aux hommes des mesures pratiques d'efficacité.
Tous les délits signalés par les citoyens étaient enregistrés, codés pour être stockés sur ordinateur, et diffusés en fonction de l'ordre de priorité depuis un centre de contrôle, sur un réseau de communication à 12 canaux, aux voitures radios. Pour rapporter les circonstances du délit, l'homme de la patrouille ne devait plus utiliser sa radio tant que le cas n'était pas résolu ; il avait alors un rapport écrit à remplir et à classer, et ce rapport était confronté au rapport d'origine enregistré par l'ordinateur. Cette action découragea les inexactitudes, les corruptions et le traitement de faveur des délinquants. Elle permit également l'analyse statistique des taux de criminalité, des localisations et des modes opératoires des criminels.
Wilson améliora de façon spectaculaire le fonctionnement de ses moyens en combinant des mesures de redéfinition du système et l'introduction de nouveaux équipements de communication, davantage de voitures radios et une logistique adaptée. Mais l'élément le plus puissant de cette amélioration fut la redéfinition du système, qui apporta des mesures d'efficacité permettant à Wilson de diriger le système sans être sujet à son désordre, aux rivalités politiques et aux intrigues criminelles (8).


8 Beaucoup d'auteurs ont écrit sur la réorganisation de la police de Chicago. Le plus récent est J. Starr, « Chicago Shows Way to Police Reform, Look », 19 octobre 1965, pp. 43 à 49. Voir aussi 0. W. Wilson, Police Administration, 2e éd., McGraw-Hill, New York, 1963.


Extrait pages 222 et 223 de Van Court Hare, Jr. L'analyse des systèmes, outil moderne de gestion. Paris Dunod 1972. 1967 en américain chez Harcourt, Brace and World, Inc.



"des moyens criblés de corruption, ballottés par les influences et les protections politiques et dépourvus des plus élémentaires rudiments d'un fonctionnement efficace." Look familiar ?


http://en.wikipedia.org/wiki/Orlando_Winfield_Wilson
http://www.encyclopedia.chicagohistory.org/pages/983.html

Citation
Scandal over police involvement in a burglary ring prompted Mayor Richard J. Daley to appoint Orlando W. Wilson as superintendent of police in 1960. The nation's foremost expert on police administration, Wilson implemented an ambitious program of reorganization, emphasizing efficiency rather than ward politics. Wilson moved the superintendent's office from City Hall to Police Headquarters and closed police districts and redrew their boundaries without regard to politics. Hiring standards were raised, graft curbed, and discipline tightened, with a new Police Board overseeing it. Wilson updated the communications system, adopted computers and improved record-keeping, bought new squad cars, and eliminated most foot patrols. Police boasted of quicker response times to citizen calls. Police morale, and the public image of the police, rose.

Wilson also improved police relations with the black community. He recruited more African American officers, promoted black sergeants, and insisted on police restraint in racially charged conflicts. Wilson's retirement in 1967 came both as racial tensions intensified and disputes over policing grew more heated, and the example of his forceful leadership was not followed.