Deux sortes d'enfants.
Sous le règne du Sus au parent-bouc émissaire, il y a deux sortes d'enfants : ceux qui sont des ennemis mortels du bouc émissaire, et ceux qui ne sont pas encore ses ennemis mortels.
Leur héritage des qualités et des valeurs présentes chez leurs parents se présente ainsi :
1 - Ils ne doivent garder aucune des qualités ni aucune des habiletés présentes chez le parent-bouc émissaire. Concrètement, si c'est le père, physicien, qui est le bouc émissaire, ils doivent atteindre le niveau de la nullité en physique, en prenant grand soin d'échapper à toute aide du parent physicien.
2 - S'ils recopient des défauts réels du parent-bouc émissaire, ils doivent le dissimuler, ne le cultiver qu'en secret.
3 - Les défauts imaginaires, prétendus, du parent-bouc émissaire, ceux-là, ils peuvent les recopier largement, puisqu'ils ont l'excuse d'une hérédité chargée - qu'elle soit génétiquement réelle, ou seulement légale.
4 - Les qualités du parent dominateur ne sont à recopier qu'avec modération. Juste assez pour être en règle.
5 - Les défauts du parent dominateur peuvent être largement copiés et amplifiés. Ils bénéficient de la plus grande indulgence, pour prix de leur corruption au service du dominant.
On consultera avec profit un autre cas de reniement des parents, sous l'influence du mépris pris dans l'air ambiant. Pages 259 à 269 de « Retour sur la condition ouvrière ; Enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard » (Fayard 1999), Stéphane Beaud et Michel Pialoux détaillent un exemple de parents ouvriers surpris par la flânerie de leurs enfants lycéens, un exemple poignant. Le point commun : on emprunte courageusement à l'air du temps ses valeurs premières de cynisme, de mépris, de fraude.
Le « danger » présenté par le bouc émissaire pour ses harceleurs ? Il est un témoin, un témoin toujours en vie, et qui fait connaître ce qu'a été la violence familiale sournoise, ce qu'est toujours le concert de rumeurs calomnieuses. Aussi il faut s'inquiéter et s'indigner de ce qu'il soit toujours vivant. Il est toujours plus sûr que les témoins aient la bouche pleine de terre.
Observant mes demi-soeurs, et une génération plus tard, ma fille aînée (seulement cinq années les séparent), j'ai résumé leur état d'esprit par la prière suivante :
Notre père qui êtes occis,
Que votre nom soit effacé sur la Terre comme au Ciel.
Que la volonté de maman soit faite,
Que le règne de mon égocentrisme arrive.
Mère Noël !
Donnez nous aujourd'hui nos souffre-douleurs quotidiens.
Donnez-nous des gladiateurs sans espoir,
A faire égorger d'un simple pouce en bas.
Donnez-nous nos larcins à thésauriser.
Donnez-nous à mépriser, donnez-nous à haïr.
Donnez-nous tout !
Donnez-nous des enfants limités et soumis,
A qui je sois toujours supérieure,
Des enfants sans curiosité, qui jamais ne questionnent
Comment nous vaporisâmes leur grand-père,
Et qui soient à jamais incapables de le venger.
Des enfants tout exprès pour me valoriser.
Ah mais !
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Suppression des pères ?