Accusé de viol, « il faisait très bien l'amour » et risque sept ans de prison
Par Laure Heinich-Luijer | Avocate | 07/07/2008 | 11H31
J'avais évoqué cette affaire au moment du lancement de Rue89 : un jeune homme était mis en examen du chef de viol sur une jeune fille. Celle-ci expliquait qu'elle avait rencontré le garçon en boîte de nuit, qu'ils s'étaient un peu caressés, qu'elle l'avait suivi chez lui, qu'elle s'était mise nue dans son litmais qu'elle n'avait jamais voulu faire l'amour. Soit : la loi protège aussi ceux qui aiment vivre dangereusement.
La jeune femme raconte que l'homme la force, mais qu'au cours des ébats, elle prend beaucoup de plaisir parce que, « vous comprenez Monsieur le juge, il faisait très bien l'amour ». Elle lui a alors demandé des gifles sur les fesses, pour que le plaisir soit plus complet.
Elle se dispute ensuite violemment avec lui et dépose plainte pour viol.
« Les murs de la partie civile et le plaisir que cette dernière a pu prendre
»
Le garçon a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire. Son avocat a demandé un non-lieu puisqu'il semblait improbable que son client ait pu percevoir l'absence de consentement d'une jeune femme aussi participative aux ébats sexuels.
Ce n'est pas l'avis du juge d'instruction, qui estime que « les murs de la partie civile et le plaisir que cette dernière a pu prendre a posteriori ne sont pas constitutifs d'un consentement systématique préalable à toute relation sexuelle ».
Le juge a estimé que ce qui s'était passé était une agression sexuelle. Pourtant, juridiquement, à supposer la contrainte caractérisée, il s'agit bien d'un viol. Néanmoins, il eut été difficile pour le magistrat de justifier un renvoi devant la cour d'assises, onéreuse et encombrée, pour une affaire si peu sérieuse [une agression sexuelle, considérée comme un délit et non un crime, est jugée par le tribunal correctionnel, ndlr].
Une insulte à toutes les femmes violées
Le jeune homme qui risquait quinze ans de réclusion criminelle sous la prévention de viol, ne risque plus que sept ans, et sera jugé en septembre. Il estime, pour sa part, que cette affaire est particulièrement sérieuse
.
Le pire serait de s'en réjouir. Faut-il se réjouir qu'une personne, dès lors qu'elle se prétend victime, soit toujours une victime aux yeux des juges ? Faut-il se réjouir que la défense soit autant muselée, en tout cas si peu entendue ? Faut-il se réjouir pour le droit des femmes ? Certainement pas. Ce juge vient juste de dire à toutes femmes violées qu'elles auraient pu y prendre du plaisir. Il vient juste de les insulter.
http://www.rue89.com/derriere-le-barreau/accuse-de-viol-il-faisait-tres-bien-lamour-et-risque-sept-ans-de-prisonAccusé de viol, il faisait très bien l'amour (III) : la relaxe
Par Laure Heinich-Luijer | Avocate | 06/01/2009 | 11H28
Suite et fin de l'enfer judiciaire subi par ce jeune homme accusé de viol par une femme qui disait pourtant de lui qu »il faisait très bien l'amour.
Souvenez-vous, elle avait réclamé des tapes sur les fesses pour que le plaisir soit plus complet.
Après dix-huit mois d'instruction dont un mois derrière les barreaux, le garçon a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour y être jugé.
Ambiance assurée dans cette chambre du tribunal où les visiteurs, tordus de rire parfois, étaient rappelés à l'ordre par la présidente.
L'une des juges, excédée de perdre son temps sur une telle affaire, a fini par demander à la plaignante si elle se rendait compte que le garçon avait fait un mois de détention provisoire à cause d'elle.
En réalité, l'expertise médicale de la plaignante nous apprenait qu'elle entendait des voix. Difficile, dans ces conditions, de la tenir pour responsable de quoi que ce soit.
La juge s'est donc trompée de cible. C'est son collègue, le juge d'instruction, qui était le seul responsable de ce carnage.
Madame le procureur, qui n'avait manifestement pas assisté à la même audience que tout le monde, a soutenu l'accusation en réclamant de l'emprisonnement ferme tout en étant « un peu désolée de ne pas pouvoir en dire plus sur l'agression sexuelle ».
Elle estimait néanmoins qu'un viol avait nécessairement été commis car la jeune fille portait des marques de relations sexuelles violentes.
On rappellera que, pour être considéré comme un viol ou une agression sexuelle, l'acte doit avoir été obtenu par violence, menace, contrainte ou surprise.
En l'espèce, la procureure expliquait que la violence était caractérisée par une érosion de la fourchette vulvaire présentée par la plaignante.
Démonstration pertinente s'il en est puisque le viol dont la jeune fille se plaignait était une fellation et qu'une fellation, même violente, ne peut en aucun cas causer une érosion à cet endroit
On aurait aimé entendre la juge demander à la procureure si elle se rendait compte que le jeune homme risquait des mois de prison à cause d'elle mais, manifestement, on ne parle pas de la même façon à un procureur qu'à une pauvre fille.
Puisse venir le jour où le tribunal pourra condamner les procureurs pour prendre de telles réquisitions et les magistrats instructeurs pour enfermer sans se poser de questions.
Le tribunal a finalement rattrapé ce carnage judiciaire en relaxant le garçon, estimant qu'on ne pouvait pas avoir été violée et avoir aimé ça.
Dix-huit mois pour en arriver là.
http://www.rue89.com/derriere-le-barreau/2009/01/06/accuse-de-viol-il-faisait-tres-bien-l-amour-iii-la-relaxe